Réponses à la question 1 : Est-il éthiquement admissible de procéder à une circoncision en dehors de toute indication médicale ? Pour certains membres du Comité, l’intégrité physique absolue, « le droit à la protection contre toutes les atteintes physiques », ne sont nullement garantis par le droit international des droits de l’enfant. Ils ne connaissent aucune disposition allant en ce sens. Si tel était le cas, des parents ne pourraient par exemple pas consentir à ce que les oreilles des enfants soient percées pour qu’ils portent des boucles d’oreilles, ou ne pourraient pas laisser leurs enfants jouer à des sports violents comme le rugby, voire le football. Selon eux, la question est de mettre en balance une atteinte jugée par eux non mutilante à l’intégrité physique des petits garçons et le respect des convictions culturelles et religieuses des parents. Leur avis est que cette mise en balance est favorable à l’admission de la circoncision, pour autant qu’elle soit de type 1 ou de type 2. Ces membres déclarent s’aligner éthiquement sur la position qui a mené la plupart des pays du monde et la communauté internationale à accepter la circoncision des petits garçons au nom de la liberté religieuse et d’opinion des parents et au nom de la reconnaissance des communautés à culture spécifique, dès lors que les conditions de la pratique permettraient de minimiser la douleur et offriraient des garanties suffisantes pour éviter les complications. Pour d’autres membres du Comité, les pages qui précèdent permettent de constater qu’en ce qui concerne la circoncision en tant qu’acte médical à visée préventive, il existe une discussion et une controverse scientifiques dans la littérature. À la lumière de cette constatation, les conditions actuelles des connaissances ne permettent aucune certitude. Le Comité consultatif de Bioéthique n’a ni la compétence, ni l’autorité pour trancher cette discussion médico-scientifique. En tout état de cause, les avantages médicaux potentiels de la circoncision qui sont invoqués dans la littérature ne concernent pas des nourrissons ou des enfants; dès lors l’intervention peut être postposée jusqu’à ce que les adolescents et jeunes adultes puissent apprécier librement d’y consentir. Le point de vue de ces membres est donc bien que la circoncision pratiquée en dehors de toute indication médicale ne peut, éthiquement, être justifiée, à tout le moins chez les mineurs. Réponses à la question 2 : Est-il éthiquement admissible qu’une circoncision en dehors de toute indication médicale soit pratiquée par un médecin et en milieu hospitalier ? Pour certains membres du Comité, l’intervention d’un médecin dans une circoncision admissible en principe (voir les trois premiers paragraphes de la réponse à la question 1) doit être éthiquement et déontologiquement autorisée, précisément pour minimiser les risques liés à l’atteinte à l’intégrité physique. Pour d’autres membres, la circoncision pratiquée pour des raisons religieuses crée une tension entre, d’un côté, le principe constitutionnel de liberté religieuse et le droit des parents à éduquer leurs enfants selon leurs convictions religieuses, et, de l’autre côté, la protection des plus faibles, de l’enfant contre une intervention non consentie. Selon ces membres, la pratique par un médecin d’une intervention non justifiée médicalement et avec la résection d’une partie d’un organe chez une personne mineure qui ne peut donner son consentement, constitue un problème éthique sérieux : le médecin sollicité doit tout tenter pour dissuader les parents de recourir à cette intervention, tant que leur enfant ne peut exprimer lui même son consentement. Ce devoir d’information, de la part du médecin est important puisque l’enjeu est d’éviter que l’intervention ait lieu dans la clandestinité et dans des conditions susceptibles d’augmenter les risques de complications. Toutefois, pour ces membres, si une circoncision doit malgré tout être pratiquée sur un enfant, il importe que ce soit à l’intervention d’un médecin spécialiste en urologie, car les risques de complications sont ainsi fortement diminués. D’autres membres encore considèrent que les médecins ne peuvent pas déontologiquement s’y prêter car il s’agit d’une atteinte, non médicalement justifiée, à l’intégrité physique d’un enfant, souvent très jeune et incapable d’exprimer
son consentement. Réponse à la question 3 : Est-il éthiquement admissible que cette intervention soit à charge de la sécurité sociale ? Tous les membres du Comité s’accordent pour affirmer que la charge financière de la circoncision non médicale ne doit pas incomber à l’ensemble des citoyens. Réponses à la question 4 : Est-il éthiquement admissible que la loi traite différemment la circoncision masculine de la circoncision féminine ? Oui, évidemment, pour certains membres du Comité, considérant d’une part que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie de mutilations sexuelles les interventions de toute nature portant sur les organes génitaux féminins et pratiquées pour des raisons non médicales alors que l’OMS/ONUSIDA a publié un ensemble de directives visant à promouvoir la circoncision masculine sur la base d’études cliniques randomisées qui apportent la preuve que dans les pays à haute prévalence HIV/SIDA où la transmission est hétérosexuelle, la circoncision offre un effet protecteur aux hommes contre cette infection. Ils considèrent aussi que, si les deux pratiques relèvent sans doute de la symbolique du passage, la première est clairement religieuse, tandis que la seconde est aussi, et peut être d’abord, une forme de répression exercée sur la condition féminine en tant qu’elle vise à châtrer la femme d’une partie du plaisir sexuel. La circoncision n’est nullement une agression dirigée contre la virilité ; l’excision s’en prend directement à la féminité elle-même. De même, ils pensent que le droit à l’intégrité physique n’est pas absolu. La différence de traitement que réserve la loi à l’atteinte à l’intégrité des organes sexuels féminins ou masculins peut ainsi trouver une justification dans la signification et surtout dans le degré de l’atteinte. Non pour d’autres membres du Comité. En effet, la question soumise au Comité étant posée dans le cadre d’une société donnée – la société belge – à une époque donnée – aujourd’hui -, ces membres pensent que l’égalité entre les hommes et les femmes suppose que les femmes et les hommes doivent être traités de manière égale en droit et ils constatent que le législateur belge ne s’est pas expliqué quant aux raisons qui justifieraient un traitement inégal des victimes de mutilations sexuelles selon qu’elles appartiennent à l’un ou à l’autre sexe. Ces membres n’aperçoivent pas de justification éthique à ce que soit infligée une atteinte à l’intégrité physique, de quelque nature qu’elle soit et donc notamment à l’intégrité des organes sexuels d’une personne, a fortiori si celle-ci n’y consent pas. Ils n’aperçoivent pas de justification éthique à la différence de traitement que réserve la loi à l’atteinte à l’intégrité des organes sexuels féminins et masculins. RECOMMANDATIONS Tous les membres du Comité s’accordent pour affirmer que la charge financière de la circoncision non médicale ne doit pas incomber à l’ensemble des citoyens Le Comité propose, à l’unanimité, de réfléchir à surmonter les controverses en encourageant l’évolution des pratiques vers la seule symbolique, de sorte que les rites continuent à se réaliser, mais sans inscription dans la chair de l’enfant. Ainsi, toutes les sensibilités religieuses seraient respectées sans qu’il soit porté atteinte à l’intégrité physique de quiconque.