Comme les deux autres monothéismes, le christianisme entretient avec les droits de l’homme une relation ambiguë. Nourri par une théologie de la création faisant de chaque humain l’image inaltérable de Dieu, le christianisme disposait des outils conceptuels qui permettaient d’élaborer une anthropologie selon laquelle « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (article 1 DUDH). S’il a généralement reculé devant cette perspective, ou plutôt s’il a mis tant de siècles à finalement l’adopter, c’est probablement en raison de sa compréhension du mal – ou, en termes théologiques, du péché – qui le conduisit à réintroduire au sein de l’humanité des hiérarchies de valeurs quasi ontologiques entre le croyant et l’infidèle, entre le libre et l’esclave, entre l’homme et la femme ou même, à l’aube de la modernité, entre le blanc et la personne de couleur.
L’universalisme chrétien a certes pu constituer ici ou là le terrain où a été conçu l’universalisme des droits de l’homme, mais il faut bien reconnaître que c’est souvent l’universalisme des droits de l’homme qui, à l’inverse, a permis au christianisme de retrouver certaines des valeurs dont il avait cessé d’être porteur.
Dans l’ensemble, le christianisme est aujourd’hui parfaitement à l’aise avec la Déclaration de 1948. Cette situation n’enlève rien au paradoxe qui vient d’être énoncé : c’est à l’idéologie des droits de l’homme, telle qu’elle s’est développée du XVIIIe siècle à nos jours, que le christianisme doit – en partie tout au moins – d’avoir redécouvert certaines de ses racines les plus authentiques. De cette redécouverte, il n’est pas sûr que toutes les conséquences aient, pour l’heure, été tirées.