Une tentative de lecture catholique du darwinisme

Qu’est-ce enfin, si on l’examine concrètement, que la théorie de l’évolution du monde organique, telle que pouvait l’envisager saint Augustin, en comparaison de ce que nous enseigne l’évolutionnisme moderne : Dieu jetant, au moment voulu, la vie dans le monde avec le pouvoir d’évoluer ; et les premiers organismes se multipliant et se développant suivant les formes les plus variées, par une suite de transformations lentes pendant une suite innombrable de siècles, au milieu de circonstances toujours changeantes, auxquelles ils parviennent à s’adapter ? Parfois, si les circonstances deviennent défavorables, on verra périr de brillantes lignées. Mais ces pertes seront bientôt réparées ; et les formes disparues seront remplacées, dans l’économie de la nature, par des pléiades d’êtres nouveaux, souvent plus parfaits et mieux doués que ceux qui les avaient précédés. Et cela, non par une intervention nouvelle de l’Artiste divin, qui sentirait le besoin de venir réparer son oeuvre; mais parce qu’il reste toujours assez de ressources dans le trésor des puissances séminales que l’unique intervention de la Sagesse divine a semées dans le monde, pour que la nature artistique puisse réparer elle-même ses ruines.
De tout cela, nous pouvons conclure, me semble-t-il, que, plus la science progresse, plus devient éclatante la voix de la nature qui proclame la gloire de son Créateur. Et parmi les hérauts dont s’est servie la nature pour faire entendre sa voix jusqu’aux extrémités du monde, je pense qu’il est juste de placer au premier rang Charles Darwin, à côté de cette autre gloire de Cambridge, Isaac Newton.
Mais, qu’est-ce que nous savons, à côté de ce que nous ne savons pas ? Et les progrès de la science ne servent-ils pas surtout à nous faire mieux sentir combien grande encore est notre ignorance, et combien nous sommes encore loin de connaître, dans leur profondeur et leur variété, les secrets de l’art divin ? Et, quand même nous connaîtrions tous les secrets de la nature, quand même nous aurions scruté les merveilles de la sagesse divine qui s’y manifestent, il resterait toujours entre la sagesse qui se révèle dans les oeuvres de Dieu, et la Sagesse divine telle quelle est en elle-même, la distance qui sépare le fini de l’infini. Car Dieu seul peut scruter les profondeurs de sa propre Sagesse, comme Dieu seul est capable de prononcer son propre nom. […]