Shylock, « Monologue »dans :SHAKESPEARE, Le marchand de Venise, Paris, Le Livre de Poche, 2008 [éd. originale : 1600], Acte III, scène 1.

[La livre de chair que je réclame à Antonio me servira] à amorcer les poissons.

Si elle ne nourrit rien d'autre, elle nourrira ma vengeance.

Il m'a humilié ; il m'a fait tort d'un demi-million ;

Il a ri de mes pertes ; il s'est moqué de mes gains ;

Il a humilié ma nation ; il m'a fait manquer des marchés ;

Il a refroidi mes amis, échauffé mes ennemis ; et pourquoi ? Je suis Juif.

Un juif n'a-t-il pas des yeux ? Un juif n'a-t-il pas, comme un chrétien, des mains,

des organes, des dimensions, des sens, des affections, des passions ?

N'est- il pas nourri de la même nourriture, blessé par les mêmes armes, sujet aux mêmes maladies, guéri par les mêmes remèdes, réchauffé et glacé par le même été et le même hiver ?

Si vous nous piquez, ne saignons- nous pas ?

Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ?

Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas ?

Et si vous nous faites du mal, ne nous vengerons-nous pas ?

Si nous sommes semblables à vous en tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela.

Si un Juif cause du tort à un Chrétien, quelle est sa modération ? La vengeance.

Si un Chrétien cause du tort à un Juif, devra-t-il souffrir à l'exemple des Chrétiens ? Il se vengera.

La vilénie que vous m'enseignez, je l'exécuterai ;

Et quelque peine qu'il m'en coûte, je dépasserai mes maîtres.

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