Dr D. BOURNEVILLE, Science et miracle. Louise Lateau ou la stigmatisée belge, Paris, Delahaye, édition de 1878

Dans les temps d'ignorance profonde où l'on voudrait replonger la société moderne, dans ce Moyen-âge, que des élus du suffrage universel ont choisi pour idéal, il était bien facile, abusant de la crédulité des peuples, de leur inspirer – et à l'occasion de leur imposer – la croyance aux « miracles », en d ‘autres termes, à des faits que l'on prétendait échapper aux lois naturelles. Endormi durant cette époque de si triste et si sombre mémoire, l'esprit humain s'est réveillé peu à peu, et, en dépit des obstacles et des persécutions de tout genre, la science a commencé à se constituer, à posséder, elles aussi, ses lois organiques. Moins parfaites encore aujourd'hui qu'elles ne le seront dans l'avenir, elles suffisent cependant pour expliquer tous ces faits réputés miraculeux. Ce développement de la science – qui a pris de si vastes proportions au moment même où la Révolution française venait changer la face du monde politique – est sans doute l'une des principales causes qui font que, en 1875, les miracles deviennent rares, tout au moins ceux dont les intéressés peuvent se faire honneur et tirer profit. Parmi les médecins qui ont le plus contribué à la réalisation de ce progrès dans le champ spécial qui va nous occuper, nous devons citer MM. Calmeil, Charcot et Valentiner. Après avoir étudié avec le plus grand soin les malades que la pratique de chaque jour leur apporte dans les établissements consacrés aux maladies du système nerveux, ils les ont comparés aux récits plus ou moins légendaires d'autrefois et il en est ressorti pour eux la conviction que l'on retrouvait aujourd'hui, à l'état isolé, des cas tout à fait analogues à ceux qui, par leur réunion durant le Moyen-âge des épidémies redoutables ou ont contribué à entretenir la croyance aux miracles. La méthode employée par MM. Calmeil, Charcot et Valentiner, va nous servir de guide dans l'étude qu'on va lire. Louise Lateau, sur laquelle les thaumaturges belges ont jeté leur dévolu en 1868, est considérée par ses admirateurs intéressés comme présentant des phénomènes jusqu'ici inconnus des médecins et réputés d'origine surnaturelle. C'est là une erreur. Et, pour le démontrer il nous suffira de résumer l'histoire de cette infortunée jeune fille d'après les nombreux documents que nous ont fournis les auteurs orthodoxes et de mettre en regard des observations qu'ont transmises les médecines qui se sont occupés scientifiquement des maladies du système nerveux et des faits que nous avons nous même recueillis.

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