Religions et gestion de la violence

Dar-al-Islam est l'organe de presse qui relaye la propagande de Daech en français depuis décembre 2014, avec des contributions propres et des traductions de Dabiq, le magazine anglophone de l'État islamique créé en juillet 2014, quelques semaines après la proclamation de « l'État islamique ». C'est la voix autorisée de Daech, dont dix livraisons ont été mises en ligne sur Internet jusqu'à l'automne 2016. Les deux revues sont produites par une agence multimédia dénommée « Centre médiatique Al-Hayat », organe de la communication de Daech qui diffuse notamment sa propagande sur Twitter.

Avec une rhétorique très étudiée et des codes journalistiques occidentaux, tout comme un évident bagage tant religieux que profane, une information puisée à bonne source, une vraie capacité d'analyse et une langue soignée, Dar-al-Islam^[2] se présente à la fois comme un outil de recrutement et un élément de la mise en place d'un État islamique, à savoir le Califat. Dar-al-Islam assume pleinement être un « outil d'incitation à la Hidjrah^[1] et au Djihâd », les deux éléments clé du projet politico-religieux de Daech. La guerre est donc idéologique en même temps qu'elle se joue sur le champ de bataille, c'est aussi une guerre de propagande, une guerre médiatique, par le texte et l'image^[3].

Denis Crouzet et Jean-Marie Le Gall, dans leur petit livre intitulé Au péril des guerres de religion. Réflexion de deux historiens sur notre temps, ont mis en évidence la dimension eschatologique du projet politico-religieux de Daech, loin des explications liées au récit postcolonial, à l'humiliation économique ou aux conflits préexistants au Moyen-Orient. Nous allons tenter de vérifier cette hypothèse à travers la lecture des dix livraisons de Dar al Islam.