Religions et gestion de la violence

Brutalité symbolique, ici et ailleurs

Il faut avoir à l'esprit, comme le fait très bien remarquer David Nirenberg, que le judaïsme, le christianisme et l'islam sont dès l'origine et pour toujours étroitement tributaires les uns des autres. Or cette solidarité est compromise par le fait que chacun de ces trois monothéismes revendique la détention de la clé du savoir de l'autre. C'est moi, dit chacun d'eux, qui détiens la clé de ce que toi tu racontes. Comme le dit Nirenberg : il s'agit de « s'approprier l'autorité de la tradition du voisin, tout mettant les croyants de chez nous à distance de la vérité telle qu'elle est proclamée par les voisins (to appropriate the authority of the neighbor's tradition whilesimultaneouslydistancing the believersfrom the truth claims of thoseneighborsthemselves). Cette ambivalence prolonge du côté de l'islam et du judaïsme une posture d'abord présente dans le regard chrétien sur le judaïsme ; elle devient constitutive des communautés scripturaires chrétiennes, juives et musulmanes. Il s'agit d'un mécanisme à la fois d'identification et de dés-identification par rapport aux cousins, ou aux voisins.

La colère, le ressentiment, voire la souffrance que peut engendrer cette brutalité symbolique (ce : « je détiens la vérité de l'autre » encore présent, sous une forme adoucie il est vrai, dans les actes de Vatican II peuvent accompagner, sinon déclencher, la contre-violence d'une révolte et encourager peut-être, parfois, le passage à l'acte. A moins que la réponse à cette rudesse symbolique ne se manifeste par des réactions moins visibles. Les structures d'hégémonie entraînent en effet de multiples stratégies de résistance, qui peuvent prendre des formes parfois inattendues, et pourquoi pas dissimulées, voilées...

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