Vol de langage selon Roland Barthes
a) ... Quelque soit le degré de culpabilité de l'accusé, il y a eu aussi le spectacle d'une terreur dont nous sommes tous menacés, celle d'être jugés par un pouvoir qui ne veut entendre que le langage qu'il nous prête. Nous sommes tous Dominici en puissance, non meurtriers, mais accusés privés de langage, ou pire, affublés, humiliés, condamnés sous celui de nos accusateurs. Voler son langage à un homme au nom même du langage, tous les meurtres légaux commencent par là.
(à propos de l'affaire Dominici, où un vieux berger est accusé d'un crime épouvantable)
Source : Roland Barthes Mythologies Paris, Seuil, « Essais », p. 50 (éd. originale 1957).
b) ...La langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire ».
Source : Roland Barthes, Leçon. Leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France prononcée le 7 janvier 1977, Paris, Seuil, 1978, p. 14.