Introduction
La réforme du clergé séculier[1] , qui culmine avec l'affrontement entre la papauté et l'empire au sujet de l'investiture[2] des évêques domine l'histoire religieuse du monde latin dans la seconde moitié du XIe siècle, au point de faire souvent oublier qu'un renouvellement important se produit simultanément au sein du clergé régulier[3] . En effet, de nombreux réformateurs remettent alors en question les pratiques habituelles, en prônant un monachisme[4] plus rigoureux qui mettrait l'accent sur l'érémitisme[5] mais aussi sur l'ascétisme[6] dans les pratiques quotidiennes des moines. Leurs initiatives conduisent à la naissance d'une série de nouvelles institutions dont beaucoup essaiment et constituent des congrégations plus ou moins importantes que les historiens ont coutume d'appeler les « ordres nouveaux ». On en retient aujourd'hui un nombre restreint, ceux qui affichent la plus belle réussite : les chartreux, à Grandmont, Fontevraud ou Tiron, et surtout les cisterciens.
Fondé en 1098, le « nouveau monastère » de Cîteaux essaime à partir des années 1110 et compte jusqu'à 740 maisons masculines et sans doute presque autant de féminines dans toute l'Europe et jusque dans les États latins d'Orient où est notamment fondée en 1157 celle de Belmont dans le comté de Tripoli, devenue aujourd'hui le monastère de Balamand dans le Nord-Liban. Leurs fondateurs tiennent un discours de combat, de manière à faire adhérer à leurs idées les anciennes traditions monastiques et marquent leur volonté de rupture par des symboles très visibles comme le changement de la couleur de l'habit : ils abandonnent le noir, traditionnel dans le monachisme, au profit du blanc, symbole de pureté et de pauvreté.
Dans ce contexte, les cisterciens développent un discours spécifique sur la place des œuvres d'art dans les complexes monastiques. Leur position face à l'utilisation des représentations figurées marque à tel point que certains spécialistes parlent parfois d'une résurgence tardive d'une forme d'iconoclasme dans le monde latin médiéval. La pertinence de cette lecture doit être examinée, tout comme les termes employés.