Raisons et déraisons de l'iconoclasme dans le contexte de la Réforme du XVIe siècle

Introduction

Quand le visiteur d'un musée d'art européen tombe en arrêt devant une vierge médiévale décapitée, ou devant un bas-relief où les apôtres se sont fait entailler au ciseau, ou encore devant une peinture sur bois où les personnages d'une scène biblique ont été volontairement défigurés, il est généralement partagé entre des sentiments d'amertume devant de tels gâchis et de révolte face au comportement violent d'individus dénués de tout sens culturel. L'Europe de la Renaissance et de l'humanisme a effectivement connu des vagues d'iconoclasme successives, qui font aujourd'hui le désespoir des spécialistes et de tous les amateurs de l'art médiéval. Il ne s'agit ni d'accuser ni de défendre les destructeurs des images (ce que l'historiographie européenne pratiquait encore dans une large mesure au XIXe siècle et au début du XXe siècle), mais de tenter, dans la mesure du possible, de comprendre les mobiles de telles actions. Pour ce faire, il importe d'apporter une première précision.

L'image médiévale ou du début du XVIe siècle a pour beaucoup, aujourd'hui, une valeur esthétique. Il n'en a pas toujours été ainsi. Pour tenter, en une première approximation, de comprendre l'un des ressorts de l'iconoclasme du XVIe siècle européen, on pourrait évoquer, en Europe centrale ou en Russie, la destruction des statues de Lénine ou d'autres mémoriaux du communisme soviétique dans les années qui ont suivi la chute du Mur de Berlin[1] . Le fait que l'art stalinien frappe généralement par sa lourdeur idéologique davantage que par son élégance artistique est une appréciation subjective sur laquelle nous ne nous abstiendrons ici de nous prononcer... et qui n'entrait d'ailleurs pas le moins du monde en considération dans l'esprit des iconoclastes post-soviétiques. Il s'agissait pour eux d'éliminer du paysage urbain les marques d'un régime exécré par l'immense majorité des populations qui en avaient subi le joug. Un historien de l'art qui serait alors intervenu auprès de manifestants pour tenter de sauver du désastre une statue de Lénine au motif que cette statue témoignerait de qualités artistiques représentatives de son époque n'aurait de toute évidence pas eu le moindre succès. Il n'en allait pas autrement au XVIe siècle face aux iconoclastes qui détruisaient des objets religieux. Dans le cas des images soviétiques d'après 1989, comme dans celui des images pieuses au XVIe siècle, c'est la dimension symbolique et idéologique, mais également politique et sociale, de l'image qui explique la volonté destructrice des iconoclastes.

  1. Le mur de Berlin

    Le mur de Berlin fut érigé en 1961 pour séparer l'Allemagne de l'Est (République démocratique allemande, sous occupation soviétique) et l'Allemagne de l'Ouest (République fédérale allemande). Sa chute, en novembre 1989, demeure le symbole de l'écroulement de l'empire soviétique.

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