La chasse au fléau (vomica) des peuples
Peu après les prédictions en vers de Marcius inspirèrent de nouvelles inquiétudes religieuses. Ce Marcius était un prophète célèbre...On croyait aux prédictions de Marcius : l'une, divulguée après coup, avait été démontrée par les faits et donnait du crédit à l'autre qui ne s'était pas encore réalisée. La première annonçait le désastre de Cannes...
On se mit alors à lire l'autre prophétie qui paraissait plus obscure, d'abord parce que l'avenir est moins clair que le passé, et surtout parce que l'écriture en était moins facile à déchiffrer :
« Si vous voulez chasser l'ennemi, Romains, ce fléau (vomica) venu de lointaines contrées, il faut à mon avis consacrer des Jeux à Apollon, et vous aurez à cœur de les célébrer (ou : vous les célébrerez comiter, avec esprit fraternel) tous les ans. Quand la cité aura versé la part de l'Etat, que les particuliers versent leur contribution, en leur nom et au nom de leur famille. Présidera ces Jeux le magistrat qui rendra de plein droit la justice aux citoyens et à la plèbe. Que les décemvirs sacrifient les victimes selon le rite grec. Si vous respectez scrupuleusement la règle, vous serez toujours heureux et votre situation ne cessera de s'améliorer. Le dieu qui détruira vos ennemis est celui que dans sa bonté protège vos campagnes ».
Pendant toute une journée les prêtres conjurèrent la prédiction ; le lendemain, par décret du sénat, les décemvirs furent chargés de consulter les Livres (sibyllins) à propos des Jeux et des sacrifices en l'honneur d'Apollon. Après la consultation des Livres et le rapport au sénat, les pères décidèrent de vouer et de célébrer les Jeux en l'honneur d'Apollon...
Voilà l'origine des Jeux Apollinaires : ils ont été voués et célébrés pour la victoire et non pour la santé publique, comme on le croit généralement.
Tite Live, Histoire Romaine, XXV, 12
(trad. A. Flobert, éd. Flammarion, 1993)