Hatti-Houmaioun du Sultan Abdul-Medjid 18 Février 1856 (10 djémaziul-akhir 1272)
Mon désir le plus cher a toujours été d'assurer le Bonheur de toutes les classes des sujets que la divine Providence a placés sous mon sceptre impérial, et depuis mon avènement au trône, je n'ai cessé de faire tous mes efforts dans ce but.
Grâces en soient rendues au Tout-Puissant, ces efforts incessants ont déjà porté des fruits utiles et nombreux. De jour en jour le Bonheur de la nation et la richesse de mes Etats vont en augmentant. Désirant aujourd'hui renouveler et élargir encore les règlements nouveaux institutes dans le but d'arriver à obtenir un état de choses conforme à la dignité de mon Empire et à la position qu'il occupe parmi les nations civilisées, et les droits de mon Empire ayant aujourd'hui, par la fidélité et les louables efforts de tous mes sujets et par le concours bienveillant et amical des grandes puissances, mes nobles allies, reçu de l'extérieur une consécration qui doit être le commencement d'une ère nouvelle, je veux en augmenter le bien-être et la prospérité intérieure, obtenir le Bonheur de tous mes sujets, qui, à mes yeux, sont tous égaux et me sont également chers, et qui sont unis entre eux par des rapports cordiaux de patriotisme, et assurer les moyens de faire de jour en jour croître la prospérité de mon Empire.
J'ai donc résolu et j'ordonne la mise à exécution des mesures suivantes:
Les garanties promises de notre part à tous les sujets de mon Empire par le Hatti-Houmaïoun de Gul-Hané et en conformité du Tanzimat, sans distinction de classes ni de cultes, pour la sécurité de leurs personnes et de leurs biens et pour la conservation de leur honneur, sont aujourd'hui confirmées et consolidées, et, pour qu'elles reçoivent leur plein et entier effet, des mesures efficaces seront prises.
Tous les privilèges ou immunités spirituels accordés ab anti quo de la part de mes ancêtres et à des dates postérieures, à toutes les communautés chrétiennes ou d'autres rites non-musulmans établis dans mon Empire sous mon égide protectrice, seront confirmés et maintenus.
Chaque communauté Chrétienne ou d'autre rite non-musulman, sera tenue, dans un délai fixé et avec le concours d'une commission formée ad hoc dans son sein, de procéder, avec ma haute approbation et sous la surveillance de ma Sublime Porte, à l'examen de ses immunités et privilèges actuels, et d'y discuter et soumettre à ma Sublime Porte les réformes exigées par le progrès des lumières et du temps. Les pouvoirs concédés aux patriarches et aux évêques des rites chrétiens par le Sultan Mahomet II et ses successeurs, seront mis en harmonie avec la position nouvelle que mes intentions généreuses et bienveillantes assurent à ces communautés. Le principe de la nomination à vie des patriarches, après la révision des règlements d'élection aujourd'hui en vigueur sera exactement appliqué, conformément à la teneur de leurs firmans d'investiture. Les Patriarches, les métropolitains, archevêques et rabbins seront assermentés à leur entrée en fonction, d'après une formule concertée en commun entre ma sublime porte et les chefs spirituels des diverses communautés. Les redevances ecclésiastiques, de quelque forme et nature qu'elles soient, seront supprimées et remplacées par la fixation des revenus des patriarches et chefs de communautés et par l'allocation de traitements et de salaires équitablement proportionnés à l'importance, au rang et à la dignité des divers membres du clergé.
Il ne sera porté aucune atteinte aux propriétés mobilières et immobilières des divers clergés chrétiens: toutefois, l'administration temporelle des communautés chrétiennes ou d'autres rites non musulmans, sera place sous la sauvegarde d'une assemble, choisie dans le sein de chacune des dites communautés, parmi les membres du clergé et des laïques.
Chaque culte, dans les localités où ne se trouveront pas d'autres confessions religieuses, ne sera soumis à aucune espèce de restriction dans la manifestation publique de sa religion. Dans les villes, bourgades et villages où les cultes sont mélanges, chaque communauté, habitant un quartier distinct, pourra également, en se conformant aux prescriptions ci-dessus indiquées, réparer et consolider ses églises, ses hôpitaux , ses écoles et ses cimetières, lorsqu'il s'agira de la construction d'édifices nouveaux, l'autorisation nécessaire sera demandée par l'organe des patriarches ou chefs des communautés à ma Sublime Porte, qui prendra une décision souveraine, en accordant cette autorisation, à moins d'obstacles administratifs. L'intervention de l'autorité administrative dans tous les actes de cette nature sera entièrement gratuite. Ma Sublime Porte prendra des mesures énergiques pour assurer à chaque culte, quel que soit le nombre de ses adhérents, la pleine liberté de son exercice ».
TESTA I. Recueil des traités de la Porte ottomane avec les puissances étrangères, 6 tomes, Paris 1864-1911. Ici t. V, p. 132-137.