Texte anonyme
Quand il se sentit en sécurité dans la ville [le roi de Castille], il leur permit de partir, et leur offrit des embarcations. En conséquence, tous ceux qui voulaient s'en retourner commencèrent, alors, à vendre leurs biens... à des prix très bas. Certains furent achetés par des musulmans mudéjares et d'autres par des chrétiens, ainsi que d'autres affaires et bagages. Il leur ordonna de marcher vers le littoral, avec leurs biens, les chrétiens les transportant en toute sécurité, avec dignité et respect... Ils atteignirent Fès. Ils sentirent, ainsi, la gravité de leur situation au point que certains, parmi eux, retournèrent en Andalousie. Le fait fut connu et certains abandonnèrent l'idée de partir. Ils restèrent et préférèrent devenir mudéjares. Quand le roi de Castille constata que les gens ne partaient plus et qu'ils avaient décidé de se fixer et de demeurer en Espagne, il commença à violer les articles des accords convenus précédemment, un par un, jusqu'à les enfreindre tous... Il leur commanda, alors, de sortir de Grenade et de s'installer dans les faubourgs de la ville ou à la campagne. Par la suite, il les invita à se convertir au christianisme. Puis il les contraignit à le faire et ce en l'an 904 [1499]. Ils embrassèrent, ainsi, sans l'avoir voulu, la religion catholique. Aussi toute l'Andalousie devint chrétienne. Ils ne purent dire « Il n'y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son Envoyé »
qu'en silence... Ils n'osèrent pas non plus émigrer et rejoindre leurs frères musulmans. Ils regardaient leurs progénitures porter la croix, se prosterner devant des statues, manger du porc et boire du vin... Ils ne pouvaient pas leur interdire de telles pratiques, car ceux qui tentaient de le faire étaient sévèrement punis...
Anonyme, Akhbar al-‘asr fin-qidae dawlat bani nasr, Le Caire, 1991, p.125-121.