Récit du martyre de saint Laurent

Cette nuit-là, Laurent fut amené à Dèce. Or, comme Hippolyte pleurait et criait qu'il était chrétien, Laurent lui dit : « Cache plutôt Jésus-Christ au-dedans de ton cœur, et quand j'aurai crié, prête l'oreille et viens ». On apporta donc des instruments de supplices de tous les genres. Alors Dèce dit à Laurent : « Ou tu vas sacrifier aux dieux, ou cette nuit finira avec tes supplices ». Laurent lui répondit : « Ma nuit n'a pas d'obscurités, mais tout pour moi est plein de lumière ». Et Dèce dit : « Qu'on apporte un lit de fer afin que l'opiniâtre Laurent s'y repose ». Les bourreaux se mirent donc en devoir de le dépouiller et l'étendirent sur un gril de fer sous lequel on mit des charbons ardents et ils foulaient le corps du martyr avec des fourches de fer. Alors Laurent dit à Valérien : « Apprends, misérable, que tes charbons sont pour moi un rafraîchissement, mais qu'ils seront pour toi un supplice pour l'éternité, parce que le Seigneur lui-même sait que, quand j'ai été accusé, je ne l'ai pas renié ; quand j'ai été interrogé, j'ai confessé Jésus-Christ ; quand j'ai été rôti, j'ai rendu des actions de grâces ». Et il dit à Dèce d'un ton joyeux : « Voici, misérable, que tu as rôti un côté, retourne l'autre et mange ». Puis remerciant Dieu : « Je vous rends grâce, dit-il, Seigneur, parce que j'ai mérité d'entrer dans votre demeure ». C'est ainsi qu'il rendit l'esprit. Dèce tout confus, s'en alla avec Valérien au palais de Tibère, laissant le corps au feu. Le matin, Hippolyte l'enleva et, de concert avec le prêtre Justin, il l'ensevelit avec des aromates du champ Véranus. Les chrétiens jeûnèrent, et pendant trois jours célébrèrent ses vigiles, au milieu des sanglots et en versant des torrents de larmes.

Jacques de Voragine, La Légende dorée, GF-Flammarion, Paris, 1967.

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