Declaration of Sentiments

Réunis en été 1848 à Seneca Falls (État de New York), une centaine de participants, femmes et hommes (sur un total d'environ 300) approuvent par leur signature cette déclaration. Parodiant de très près la forme et le contenu du texte même de la Déclaration d'indépendance des États-Unis de 1776, les signatures revendiquent l'égalité des droits politiques entre hommes et femmes. Par exemple, là où l'on disait en 1776 que « tous les hommes sont créés égaux », on précise en 1848 que « tous les hommes et les femmes sont créés égaux. » Ou, plus loin, on joue sur l'ambiguïté du pronom « il », qui désignait en 1776 le roi George III (tyran des colonies américaines) mais qui renvoie ici à l'homme (tyran de la femme). A noter que « Jéhovah » désigne parfois Dieu dans les traductions anglaises au XIXe siècle. (Traduction MG ; elle diffère sensiblement de celle qu'on trouve par exemple sur Wikipédia français et qui présente plusieurs erreurs.)

Quand, dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour une partie de la famille humaine de prendre, parmi les peuples de la Terre, une position différente de celle qu'elle a jusqu'alors occupée, mais à laquelle les lois de la nature et de la nature de Dieu lui donnent droit, le respect qui convient aux avis de l'humanité oblige à déclarer les causes qui lui imposent à une telle ligne de conduite.

Nous tenons ces vérités pour évidentes : tous les hommes et les femmes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ceux-ci, il y a la vie, la liberté et la poursuite du bonheur ; pour assurer ces droits, des gouvernements sont institués, dont les pouvoirs émanent du consentement des gouvernés. Chaque fois qu'une forme de gouvernement provoque la destruction de ces droits, les personnes qui en souffrent ont le droit de lui refuser leur allégeance et d'exiger l'institution d'un nouveau gouvernement, en établissant ses fondements sur des principes tels et en l'organisant de telle manière qu'il leur paraîtra le mieux à même de leur assurer sécurité et bonheur.

En effet, la prudence requiert que l'on ne change pas pour des raisons légères et passagères des gouvernements établis de longue date. Ainsi, l'expérience a montré que l'humanité est plus disposée à supporter, tant que les maux sont supportables, qu'à se faire justice en abolissant les formes auxquelles elle est habituée, mais que, lorsqu'une longue série d'abus et d'usurpations, visant invariablement au même but, rend manifeste le dessein de soumettre les gens à un despotisme absolu, il est de leur devoir de renverser un tel gouvernement et de fournir de nouvelles garanties à leur sécurité future. Telle a été la patience des femmes qui ont souffert sous ce gouvernement, telle est aujourd'hui la nécessité qui les contraint à exiger l'égalité à laquelle elles ont droit.

L'histoire de l'humanité est l'histoire continuelle des blessures et des usurpations de l'homme à l'endroit de la femme, dans le but immédiat d'établir sur elle une tyrannie absolue.

Pour le prouver, soumettons ces faits à la sincérité du monde :

Il ne lui a jamais permis d'exercer son droit inaliénable au suffrage électoral.

Il lui a imposé de se soumettre à des lois dans l'établissement desquelles on ne lui a pas demandé son avis.

Il lui a refusé des droits qui sont donnés aux hommes les plus ignorants et les plus vils, tant autochtones qu'étrangers.

L'ayant privée de ce premier droit de citoyenne, le suffrage électoral, et la laissant ainsi sans représentation dans les chambres législatives, il l'a opprimée de toute part.

Il a fait d'elle, quand elle se marie, un être civilement mort aux yeux de la loi.

Il l'a dépouillée de tous ses droits à la propriété, jusqu'au salaire qu'elle gagne.

Il a fait d'elle un être sans responsabilité morale, puisqu'elle peut commettre de nombreux crimes en toute impunité tant qu'ils sont commis en présence de son mari. Dans l'alliance matrimoniale, elle est contrainte de promettre obéissance à son mari, qui devient, sous tous rapports, son maître – la loi lui donnant pouvoir de la priver de sa liberté et de lui administrer des châtiments.

Il a conçu les lois du divorce, à propos des causes même du divorce, des cas de séparation, de la garde des enfants, sans tenir aucun compte du bonheur de la femme – la loi, dans tous les cas, partant du présupposé erroné que l'homme est supérieur et mettant tout le pouvoir entre ses mains.

L'ayant dépouillée de tous ses droits en tant que femme mariée, si elle est célibataire et propriétaire de quelque bien, il l'a soumise aux impôts, de sorte qu'elle soutient un gouvernement qui ne la reconnaît que quand il peut tirer profit de ses biens.

Il a monopolisé quasiment tous les emplois bien rémunérés, et de ceux qu'elle est autorisée à occuper, elle ne reçoit qu'une maigre rémunération.

Il lui interdit tous les moyens d'obtenir richesse ou prestige, qu'il considère comme autant d'honneurs pour lui-même. On ne connaît pas de femme qui soit professeure de théologie, de médecine ou de droit.

Il lui a refusé tous les moyens d'acquérir une véritable instruction, toutes les universités lui étant fermées.

Dans l’Église comme dans l’État, il ne lui accorde qu'une position subalterne, se fondant sur l'autorité de l'Apôtre pour l'exclure du ministère et, à quelques exceptions près, des affaires de l’Église.

Il a créé une opinion publique erronée en donnant au monde un code de morale distinct pour les hommes et pour les femmes, code en vertu duquel les délits moraux qui excluent les femmes de la société sont non seulement tolérés chez l'homme, mais encore considérés comme des peccadilles.

Il a usurpé la prérogative de Jéhovah lui-même, revendiquant le droit de décider lui-même de la sphère d'action qu'il convient d'assigner à la femme, alors que cela appartient à la conscience de la femme et à son Dieu.

Il s'est efforcé par tous les moyens dont il disposait de détruire la confiance de la femme en ses propres potentialités, de vilipender son estime de soi et de faire en sorte qu'elle veuille mener une vie dépendante et misérable.

Ainsi, compte tenu de la totale privation des droits civils qui pèse sur la moitié de la population de ce pays, de sa dégradation sociale et religieuse, compte tenu des lois injustes mentionnées ci-dessus, et du fait que les femmes se sentent lésées, opprimées et frauduleusement dépouillées de leurs droits les plus sacrés, nous exigeons qu'elles aient sans délai accès à tous les droits et privilèges qui leur appartiennent en tant que citoyennes des États-Unis.

En ouvrant devant nous ce grand chantier, nous nous attendons à beaucoup de malentendus, de fausses présentations, de moqueries, mais nous entendons recourir à tous les moyens qui sont en notre pouvoir pour parvenir à notre objectif. Nous allons engager des agents, faire circuler des tracts, adresser des pétitions à l’État et aux instances nationales, nous allons convaincre les prédicateurs et la presse de travailler pour nous. Nous espérons que cette Convention sera suivie de toute une série d'autres, touchant toutes les régions du pays.

Déclaration des convictions (souvent traduite « Déclaration des sentiments »), 1848. (texte intégral)

Référence : cette déclaration a fait l'objet de nombreuses publications, notamment sur Internet. On la trouve commodément sur Wikipedia english.

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