Sciences et religions à l'époque contemporaine XIXe - XXe siècles

Introduction

A la différence d'autres sujets liés à l'histoire des sciences, le créationnisme[1] est une question sensible dans un certain nombre de milieux religieux contemporains. Ce caractère sensible implique d'expliciter d'entrée de jeu le lieu d'où l'on parle et la position méthodologique que l'on suit. L'optique adoptée est celle de l'histoire du christianisme. Il ne faut donc chercher dans ces pages ni une contribution à l'histoire des sciences en tant que telle, ni un exposé philosophique ou théologique sur la question de la création du monde. Formé dans le contexte d'une université européenne (celle de Genève, en Suisse), qui doit son origine au contexte chrétien, notamment au protestantisme, et qui revendique aujourd'hui une orientation laïque[2], l'auteur de ce chapitre enseigne dans une Faculté qui garantit à ses membres la liberté académique, ce qui exclut toute inféodation à quelque position idéologique que ce soit, fût-elle défendue par tel ou tel lobby protestant.

Dans ce cadre, le créationnisme est historiquement considéré comme une doctrine qui part de certitudes religieuses, en l'occurrence la notion de création telle qu'elle est interprétée à partir de la Bible et qui cherche à vérifier ces certitudes en leur apportant la caution de la science. D'un point de vue philosophique, une telle démarche mêle des catégories qui doivent être méthodologiquement distinguées, en cela qu'elle postule une finalité à tous les phénomènes naturels et qu'elle se fonde sur des textes considérés comme révélés (la Bible, et en particulier le récit de la création tel qu'il figure dans les premiers chapitres de la Genèse[3]) pour élaborer un discours à prétention scientifique. Paul Clavier a montré, du point de vue philosophique qui est le sien, qu'il est parfaitement possible d'envisager une philosophie ou une théologie dans laquelle un agent transcendant a joué ou joue un rôle dans le surgissement et dans le devenir du monde (cf. Qu'est-ce que le créationnisme ?, 2012). Mais il s'agit alors d'une affirmation métaphysique, qui ne saurait d'aucune façon interférer avec la démarche scientifique. Ces raisons, qu'on pourrait longuement développer, justifient d'une part que le créationnisme ne soit pas considéré comme une science, mais bien comme une idéologie religieuse (et cela quoi qu'en disent ses porte-parole) ; d'autre part que cette doctrine ne soit pas enseignée dans les facultés des sciences des universités européennes.

  1. Créationnisme

    doctrine religieuse à prétention scientifique qui considère que le dogme de la création du monde par une puissance divine exclut toute évolution des êtres vivants (selon les créationnistes, l'ensemble des espèces ont été créées à peu près comme ils les voient).

  2. Orientation laïque

    la laïcité est un principe politique qui sépare plus ou moins radicalement les sphères de la religion et de l'Etat et qui soustrait les institutions de l'Etat de toute ingérence du religieux.

  3. Genèse

    le premier livre de la Bible hébraïque, dont on considérait jusqu'au XVIIIe siècle qu'il avait été écrit par Moïse. La Genèse s'ouvre par deux récits différents de la création du monde (chapitres 1 et 2).

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