Requête des Druses à la Sublime-Porte, en date de fin-juin 1841

La nation druse étant musulmane depuis des siècles, nos ancêtres ont toujours été sous les ordres du gouvernement de la Sublime-Porte ; nous n'avons pas cessé d'être fidèles à ces principes jusqu'à l'année 1241 de l'hégire.

A cette époque, trois nouveaux chéiks nous commandaient, savoir : le chéik Béchir-Djemblatt, Ali-Omar et Seïd-Hussein-Ahmed ; ces deux derniers étaient les fermes défenseurs de notre tribu ; ils nous représentaient dans toutes nos affaires, qui étaient discutées par eux après s'être assemblés.

Jusque là nous avions été heureux et dans une parfaite sécurité.

Sous Abd-Allah-pacha, gouverneur de Séide, notre situation changea ; il ordonna la destitution de ces deux chéiks, puis il chargea de nos affaires le chef de la nation chrétienne, l'ex-émir Béchir-Chéhab, le même qui est aujourd'hui dans l'exil.

Cet émir était d'origine musulmane ; il embrassa la religion chrétienne, mais il avait soin de paraître devant nous sous le dehors d'un musulman : il n'y a nul doute qu'il était chrétien. Nonobstant cela, il nous traitait avec toute la distinction possible, et même mieux que les chrétiens ; il eut toujours cette attention jusqu'au jour de son exil.

Aujourd'hui, le grand prince qui gouverne la Montagne, étant chrétien, nous accable de mépris, cherchant sans cesse à nous humilier pour nous faire embrasser ses idées religieuses ; il nous les fait même subir.

Nous ne pouvons supporter davantage les persécutions qui proviennent de ce prince et de la nation chrétienne, ni leur conduite tyrannique à notre égard ; ils cherchent à nous faire sortir de l'obéissance que nous devons à la Sublime-Porte, pour nous faire entrer sous celle des infidèles, ce que nous pouvons pas accepter, car nous ne consentirons jamais à nous soustraire à l'obéissance que nous devons à la Sublime-Porte, qui a été de tout temps notre protectrice ; nous le répétons, nous ne rentrerons jamais sous celle des infidèles, dussions-nous périr, nous, nos femmes et nos enfants.

Nous avons été constamment plus considérés et mieux traités que les chrétiens, comment pourrions-nous être sous leur dépendance, humiliés et avilis ? Certes, cet état ne nous convient nullement, et le gouvernement se Sa Hautesse n'y consentira jamais.

De temps immémorial, nos ancêtres ont été les fidèles serviteurs de la Sublime-Porte ottomane, nous continuerons de l'être nous aussi, nous déclarant être zélés sectateurs de l'islamisme.

Jusqu'à ce jour personne ne peut nous accuser de nous être refroidis à remplir nos devoirs à l'obéissance au gouvernement de la Sublime-Porte, il nous est donc impossible d'être placés sous l'influence du pouvoir chrétien, nous ne pouvons lui obéir ni nous soumettre à ses ordres.

Nous supplions notre auguste et magnanime souverain (que Dieu lui accorde le triomphe) de daigner veiller sur nous, et de nous choisir un chef comme par le passé, du temps de chéikh Béchir-Djemblatt ; la volonté souveraine de Sa Hautesse daignera le charger de diriger nos affaires administratives, en émanant un auguste firman, qui le consacre pour l'honneur et la dignité de notre pays.

Nous sollicitons la magnanime bienveillance de notre sultan, nous engageant à nous soumettre à toutes les nouvelles institutions proclamées par le Hatti-chérif de Ghulhané concernant l'impôt, qui sera perçu selon nos propriétés et nos fortunes.

Quant à l'adresse, déjà présentée par les émirs et chéikhs, à l'effet d'établir les impôts comme du temps d'Abd-Allah-pacha, que nous avons revêtue de notre cachet et dont il a été échangé plusieurs notes, nous la rejetons et la considérons comme non avenue ; nous avons dû agir ainsi, alors, pour mettre fin aux dissensions.

Nous sommes et avons été de tout temps musulmans, nous ne pouvons pas, par conséquent, nous soustraire à l'obéissance que nous devons au gouvernement de la Sublime-Porte.

Les chrétiens, il est vrai, sont plus nombreux que nous, mais avec l'aide de Dieu et de la Sublime-Porte, nous serons constamment vainqueurs dans tous les combats qui auront lieu ; nous désirons ne pas en venir aux mains, et osons espérer que Sa Hautesse le sultan daignera accueillir notre demande, et que sa munificence, son auguste volonté et sa suprême justice, qui a toujours distingué son gouvernement (que Dieu daigne protéger), veilleront sur nous.

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