L'émigration comme nécessité

L'émigration et le besoin de voyager devinrent d'une importance extrême pour les citoyens en regard des affaires commerciales et de la nécessité de travailler à l'étranger. Ce besoin n'était pas engendré par la misère du pays comme certains pouvaient bien le penser mais par le manque de travail et de moyen de survie des Libanais. Le Grand Conseil les avait dépourvus de toute chance de travail dans leur pays et leur avait interdit le sel et la pêche. Celui qui remplissait sa jarre d'eau de mer subissait des insultes et devait payer une contravention, de plus les fonctionnaires le suivaient et lui cassaient la jarre qu'il avait remplie. D'un autre côté, il ne restait plus, au Liban, une parcelle de terrain rentable, il n'y avait plus que les clivages des rochers pour cultiver et gagner le prix du pain et du tabac. Cet honorable Conseil administra le coup de grâce au Liban en lui ôtant les divages des rochers et en les donnant aux régies d'État en affirmant que la mer appartenait au gouvernement et que le monopole de ces sociétés revenait à l'État. On peut toujours se demander, est ce que le Liban n'avait pas droit à sa mer tout comme son gouvernement ? Est ce que le Liban n'avait pas droit au monopole de ses sociétés. La destruction du pays et le massacre du bien du peuple sont un crime commis par le Conseil envers l'État.

C'est pour ces raisons que les Libanais quittèrent leur pays .Le gouvernement libanais qui restreignait les moyens de survie et les occasions travail rendait encore plus difficile les moyens de voyager. Tantôt les passeports devaient être faits au centre de la Mutassarifyah, tantôt dans le Kaimakam. Ceux qui voulaient voyager enduraient le martyr et devaient payer très cher ; de plus ils devaient voyager d'un bout à l'autre du pays pour aller chez le sage du village, le maire, le prêtre [...] puis se rendre au centre du Kaimakam pour qu'on leur demande de revenir le matin, puis le soir, puis un autre jour [et verser des pots de vins].

Si le gouvernement entreprend des réformes, chaque directeur, Kaimakam, gagnera la confiance du gouvernement et du peuple, il aura en plus des tribunaux justes, des administrations actives qui faciliteront le travail et les passeports seront toujours livrés dans les centres des districts tout comme aujourd'hui et cela sera à l'avantage des gens et du gouvernement. J'ai bien dit gouvernement car il perd beaucoup en rendant plus difficile l'obtention de passeport, car les Libanais qui veulent voyager se rendront à Beyrouth pour avoir le passeport même s'ils n'ont pas le droit de le faire ou bien ils fuiront sans passeport comme cela arrive souvent. Il faut que le gouvernement libanais prenne en considération combien il perd pour voir combien il gagnerait s'il effectuait les réformes mentionnées.

Traduction de Chahine Al-KHAZEN, Kunûz Lubnan al-Marsûda (« Les trésors du Liban »), Egypte, 1907, p. 120-121.

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